Par Lee Masterson
dimanche 15 octobre 2006.
Traduction par Freyja
Lorsqu’ils s’engagent dans un roman, la plupart des écrivains ont tendance à créer un personnage qui corresponde à l’intrigue ou à l’histoire qu’ils ont imaginée, et ensuite à plonger dans la partie exaltante qu’est l’écriture du livre. Mais beaucoup d’auteurs oublient le soutien nécessaire d’un “groupe de personnages” solide - les acteurs autour du protagoniste qui donnent vie au livre.
S’accorder du temps pour les étapes de la planification du roman afin de créer un ensemble de personnages auxiliaires fort et réaliste peut aider le processus d’écriture.
De même, savoir à l’avance quels personnages seront nécessaires sur la « scène » de votre monde imaginaire pendant chaque étape de l’intrigue, peut éliminer le syndrome de la page blanche avant même que vous ne commenciez.
Souvenez-vous toutefois qu’en incluant un type générique de personnages, vous courez également le risque de créer un « stéréotype » et d’affaiblir votre histoire. Votre lectorat s’attendra à découvrir des personnages tout neufs, et vous en voudra de lui faire rencontrer le même vieux savant fou rebattu ou le même héros remarquable et tout à fait prévisible qu’il a déjà vu une centaine de fois.
Bien que les stéréotypes fassent partie intégrante de la fiction, il faut les utiliser avec précautions.
Il existe huit principaux types de personnages : le personnage principal, le protagoniste, le héros, l’antagoniste, l’obstacle, le logique, l’émotionnel, et l’acolyte.
Penchons-nous plus en détail sur chacun d’entre eux.
À ne pas confondre avec le protagoniste, le personnage principal est celui au travers des yeux duquel le lecteur voit l’histoire. Parfois, ce sera le narrateur. Le point de vue du personnage principal sera l’angle de vue du récit, donnant un meilleur aperçu du “héros”, vu de l’extérieur.
Décrire les événements du point de vue d’un autre personnage - qui ne peut voir l’action que de l’extérieur - peut donner une profondeur supplémentaire au protagoniste de façon surprenante, puisque le “héros” ne peut pas toujours se voir lui-même ou voir ses actions de la façon dont les autres les percevront.
Par exemple, dans "Entretien avec un vampire" d’Anne Rice, Louis - le vampire qui donne l’interview, et donc qui raconte l’histoire - est sans équivoque le personnage principal du livre. Mais il n’est pas nécessairement le protagoniste. Louis se contente de raconter ce qui lui arrive.
C’est Lestat - le vampire autour duquel l’histoire est articulée - qui est en fait le protagoniste. Lestat est la force conductrice de l’intrigue. Il est l’instigateur d’événements dirigés vers un but que les autres personnages sont persuadés de vouloir également atteindre. En d’autres termes, ils deviennent des personnages secondaires dans la quête que Lestat mène pour ses propres ambitions.
Renverser les caractéristiques des personnages de cette façon atypique contribue à leur attacher une personnalité extrêmement bien construite, et offre également un revirement de point de vue intéressant. On trouve d’autres exemples de ce type dans cette histoire.
Le protagoniste est le principal instigateur de l’effort mis en oeuvre pour atteindre l’objectif de l’histoire.
Dans la plupart des récits, le protagoniste est le “héros” - le type ou la fille auquel le public s’attache et que ce dernier veut suivre pour voir s’il gagne à la fin. En général, la majorité des récits sont relatés du point de vue du protagoniste. Après tout, il s’agit de la personne dont la plupart des lecteurs vont se soucier.
Cependant, le protagoniste ne sera pas nécessairement le personnage principal - mais seulement le personnage qui a la responsabilité de faire avancer l’intrigue, comme nous l’avons vu dans l’exemple précédent.
Bien sûr, beaucoup d’auteurs mélangent les deux types - personnage principal et protagoniste comme une seule et même personne, ce qui peut être aussi très efficace. En faisant cela, néanmoins, vous aurez créé un troisième stéréotype - le héros.
Le mot “héros” nous évoque souvent le jeune amant blond et fougueux, au sourire parfait et avec plus de muscles que de cervelle. Telle est la nature des stéréotypes.
La combinaison du personnage principal et du protagoniste est peut-être ce que l’on voit le plus parmi les auteurs actuels. Le récit sera raconté à travers le regard du héros, à mesure qu’il se fraiera un chemin jusqu’au but principal de l’histoire.
Le public sera aux premières loges pour connaître le point de vue et les actions du héros.
Le désastre le plus important rencontré dans la création d’un personnage du type “héros” est la monotonie même de la plupart de ces héros. Par exemple, la majorité des romans d’amour ont un “héros suave, sexy, beau et musclé” quintessenciel précipité dans l’histoire, pour faire bonne mesure et non pas au bénéfice d’un personnage bien défini.
Vous voyez, la simple idée d’un tel spécimen au physique parfait signifie que l’auteur a de toute évidence considéré ce dont le héros devrait avoir l’air pour être séduisant. Et pourtant, la personnalité de ce même héros est souvent superficielle, pas suffisamment développée et bidimensionnelle.
Cet abus de l’emploi du stéréotype du « héros » peut faire paraître vos personnages moins réalistes aux yeux de vos lecteurs.
Dans un effort pour se libérer de ce poncif du « héros », Lois McMaster Bujold a peut-être créé l’anti-héros le plus subtil qu’il m’ait été donné de rencontrer.
Miles Vorkosigan est l’opposé complet de l’image standard du « héros ». Il est très petit, rabougri, malformé suite à des problèmes de colonne vertébrale, balafré de guerre, et génétiquement muté par-dessus le marché. Pourtant, sa personnalité le présente comme outrageusement fort, opiniâtre, courageux, poli, bien éduqué et prévenant - des traits émotionnels presque à l’exact opposé de la façon dont est dessinée son apparence physique. Bujold prend également bien soin de mettre en lumière le fait que beaucoup de ses personnages soient attirés par son anti-héros simplement à cause de sa personnalité hors du commun, plus que pour sa beauté virile (justement parce qu’il n’en a pas !).
Le stéréotype de l’antagoniste est le ‘mauvais garçon’, le méchant, l’individu qui s’oppose au but ultime du protagoniste. L’antagoniste devrait représenter la dynamique de l’empêchement du succès.
Souvent cela apparaît dans une histoire où le protagoniste, ayant un but, est arrêté ou gêné par un antagoniste, qui arrive et tente de faire obstacle au succès de cet objectif de départ.
Parfois, cependant, il peut en être autrement. L’antagoniste peut avoir son propre objectif, qui a des répercussions négatives. Dans ce cas le protagoniste aura pour but de l’arrêter.
Exactement comme on "ajoute" souvent au protagoniste la fonction du personnage principal, l’antagoniste est parfois (bien que moins fréquemment) combiné avec le personnage obstacle.
Beaucoup d’écrivains ont tendance à créer un méchant juste ‘démoniaque’ ou ‘mauvais’, simplement pour le plaisir de donner au héros quelqu’un à battre. Cette image stéréotypée du méchant est très répandue, et peut affaiblir de façon significative l’histoire la plus remarquable.
Pour plus de détails concernant la création de méchants crédibles, cliquer ici.
Le personnage obstacle est celui qui bloque le passage, mais qui n’est pas nécessairement un antagoniste.
Exactement comme l’antagoniste s’oppose au protagoniste, le personnage obstacle se met en travers du chemin du personnage principal. Remarquez que je n’ai pas dit que le personnage obstacle s’opposait au personnage principal.
La fonction du personnage obstacle est d’incarner une alternative aux croyances ou à la vision du monde du personnage principal, en le forçant à éviter la solution de facilité et à faire face à son problème personnel.
Alors, donner à votre protagoniste un bon ami dont les croyances divergent des siennes pourrait être un moyen efficace de doter votre histoire d’un personnage obstacle, qui ne soit en aucun cas un méchant.
Un personnage obstacle peut être allié soit au protagoniste, soit à l’antagoniste. Souvent, le rôle du personnage obstacle est attribué au valet ou au commandant en second de l’antagoniste. Cependant, s’il est attaché au protagoniste, il peut tenir lieu d’épine dans le pied ou exercer une mauvaise influence.
Une fois encore, "Entretien avec un vampire" d’Anne Rice offre un personnage obstacle efficace sous une forme très inattendue. Claudia, l’enfant vampire, devient à la fois le personnage obstacle de Lestat et celui de Louis, les empêchant tous les deux d’atteindre leurs objectifs. Elle fournit également aux deux hommes un certain nombre de raisons de se poser des questions sur leur façon de penser initiale et se poste en travers du but de l’histoire. Ce n’est qu’après que Claudia soit tuée que l’intrigue semble s’éclaircir et avancer à nouveau.
En d’autres termes, l’obstacle a été écarté.
Le personnage logique est calme, serein, maître de lui-même, peut-être même froid. Il prend des décisions et agit entièrement sur le fondement de la logique.
Utiliser les personnages logique et émotionnel peut être un excellent outil pour créer tension et conflit à l’intérieur de l’histoire. L’éventualité de faire ressortir le pire de chacun est sans cesse présente et l’occasion de décontenancer le protagoniste peut également se présenter.
« Le Seigneur des anneaux » de JRR Tolkien fait un usage foisonnant de chacun des huit stéréotypes, puis plus loin transforme ces modèles de base en individualités bien réalisées.
« Gandalf le Gris » est la base logique ici, entrant généralement dans la partie lorsque les personnages émotionnels s’écartent trop de leur objectif désigné. Un intermède rapide de Gandalf rappelle aux esprits de la communauté la logique de la situation et ils poursuivent leur quête.
L’abus de ce type de personnage se produit généralement lorsque l’auteur insère un scientifique ou une autorité de n’importe quelle sorte simplement pour annoncer les faits aux autres personnages. Ce personnage apparaît alors comme un dictionnaire ambulant.
Le personnage émotionnel est énergique, apparemment incontrôlé, désorganisé, et dirigé par ses sentiments - qu’ils soient bons ou mauvais.
D’un point de vue fonctionnel, le personnage émotionnel porte son cœur en bandoulière ; il se met facilement en colère, mais il compatit également aisément. Cependant, comme il est impétueux et désorganisé, la plus grosse partie de son énergie est indomptée et gâchée parce qu’il se disperse dans tant de directions qu’il finit par tourner en rond et n’aller nulle part.
Imaginez une histoire mettant en scène la mort de plusieurs dauphins pour la recherche contre le cancer. Dans ces circonstances, le biologiste marin (le personnage logique) croirait que ses actions sont justifiées, étant donné que la guérison du cancer peut profiter à l’homme.
Toutefois, le manifestant (le personnage émotionnel) verrait simplement le massacre de centaines d’innocents mammifères et ferait tout son possible pour empêcher que les expériences continuent.
Dans cet exemple, ni l’un ni l’autre personnage ne serait nécessairement le protagoniste ou le personnage principal, ou n’aurait à être l’antagoniste, mais incorporer l’un et l’autre aura sensiblement augmenté la tension.
Que se passerait-il si l’on insérait en prime un protagoniste dont la femme se meurt du même type de cancer que les chercheurs s’efforcent de soigner, et un antagoniste qui s’entête à gagner des millions grâce à l’achèvement du traitement ? Les personnages logique et émotionnel restent en retrait de l’intrigue principale, mais pourtant ils rehaussent le conflit et la tension de plusieurs échelons.
L’abus le plus commun de ce type de personnages se rencontre dans beaucoup de romans de fantasy, dans lesquels un membre de la « quête » est un fou furieux se distinguant seulement pour grogner de rage, en brandissant son épée pour montrer son mécontentement face à la façon dont les choses se déroulent.
L’acolyte est le fidèle soutien. Notez que l’acolyte peut être le soutien de chacun des personnages - et pas seulement du protagoniste.
Tout le monde peut imaginer un acolyte. Certains sont inclus pour l’intermède comique. D’autres pour renforcer les objectifs ou les croyances du personnage qu’ils soutiennent. D’autres encore sont intégrés pour apporter un contraste avec l’antagoniste.
Ceci ne détermine pas qui ou ce que l’acolyte soutient, mais seulement qu’il doit loyalement soutenir quelque chose ou quelqu’un.
Par exemple :
Maintenant que vous avez distribué les rôles à votre équipe de personnages, il est temps de planter le décor pour l’action - mais il s’agit d’un autre article.
Lee Masterson est une écrivain en freelance d’Australie méridionale. Elle est aussi l’éditrice de Fiction Factor (http://www.fictionfactor.com) - un magazine en ligne pour les écrivains, qui offre des astuces et des conseils sur la manière de se faire publier, des articles pour améliorer vos compétences en écriture, des tas de ressources pour écrivains et bien plus encore. Jetez un oeil au dernier livre de Lee, "Write, Create & Promote a Best-Seller" (en anglais) ici et démarrez votre carrière d’écrivain.
Cet article a d’abord été publié en anglais sur FictionFactor - http://www.fictionfactor.com/.