Jusqu'au dernier mot

Accueil du site > Genres > Policier > Trouver le mobile et trouver le meurtrier

Trouver le mobile et trouver le meurtrier

Par Stephen D. Rogers

vendredi 15 juin 2007.

Traduction par Freyja


Je ne sais pas si le titre de cette chronique est une citation classique de roman policier, mais il pourrait très bien l’être. Après tout, le mobile fait partie des trois piliers d’un procès réussi : mobile, moyens et opportunité. Il faut tous les découvrir et les prouver.

Si toutefois vous préférez plutôt publier que poursuivre en justice, votre tâche est à la fois plus aisée et plus ardue que celle du plaignant. D’un côté, vous devez établir le mobile du tueur puis imaginer les faits pour l’étayer. De l’autre, vous devez mettre au point un mobile pour chaque personnage.

Tout le monde désire quelque chose

Dans les mauvaises histoires policières, le mobile ne sert souvent à rien d’autre qu’à jouer les perturbateurs. La mort de l’épicier profite à trois personnes. Quelle est celle qui a pressé la détente ?

Dans les bons romans policiers, tous les personnages ont une raison pour tout ce qu’il font. Ils ne sont pas des marionnettes qui dansent sur l’air de l’intrigue, des personnages plats que l’on colle à des situations stéréotypées. Ce sont des personnes vivantes, avec des exigences et des désirs.

Le meurtrier

De toute évidence, il y a une raison pour que le tueur veuille voir la victime morte (ou les secrets dérobés ou l’épicerie dévalisée). À moins que la victime ne soit choisie au hasard, cette dernière et le meurtrier ont une histoire en commun. Même une victime choisie aléatoirement possède quelque qualité qui a déclenché le passage à l’acte de l’assassin.

Mais la question du mobile va au-delà du simple "Pourquoi j’ai tué le mort".

Pourquoi maintenant ? Pourquoi tuer plutôt que de réfléchir à une solution moins définitive ? Pourquoi n’a-t-on pas considéré d’autres options, ou si oui, pourquoi les a-t-on écartées ?

Pourquoi le tueur n’est-il pas immédiatement passé aux aveux ? Dans la réalité, la plupart des meurtres sont des crimes passionnels et l’identité de l’assassin est rarement mise en doute. Pourquoi votre tueur ment-il et dissimule-t-il ?

Si le meurtrier se lie à l’enquêteur, pourquoi ? Si le meurtrier met des bâtons dans les roues à l’enquêteur, pourquoi ?

Un crime passionnel conduit parfois à un meurtre de sang-froid. Pourquoi le tueur saute-t-il le pas ? Pourquoi ne pas simplement en rester là et accepter les conséquences ?

Qu’est-ce qui pousse le tueur à continuer comme si rien ne s’était passé alors que ce n’est pas du tout le cas ?

Certaines de ces questions peuvent paraître simplistes. L’assassin ment parce que la prison n’a pas l’air d’être une partie de plaisir. Il n’y a rien de mal aux réponses faciles tant que les personnages s’y remettent et agissent en conséquence.

La victime

Très peu de gens souhaitent se faire tuer. Cela manque d’un objectif à la fois à court et long terme. Pourquoi, dans ce cas, la victime agit-elle de manière à engendrer assez d’animosité pour provoquer l’homicide ?

Pourquoi la victime ne ressent-elle pas le danger grandissant ? Pourquoi n’essaie-t-elle pas de trouver une solution pacifique ? Pourquoi ne fait-elle pas appel à la médiation ou à une aide extérieure ?

Pourquoi y a-t-il encore parfois des victimes qui laissent un indice dans leur propre sang, en codifiant leur accusation plutôt que d’écrire le nom du meurtrier ?

L’enquêteur

Pourquoi l’officier de police est-il devenu officier de police, le détective privé devenu détective privé et le pathologiste devenu pathologiste ?

Dans quelle mesure l’enquête est-elle suffisamment importante pour que l’enquêteur documente ses efforts ? Pourquoi l’affaire n’est-elle pas mise en attente ou confiée à quelqu’un d’autre ?

Pourquoi l’enquêteur cherche-t-il la vérité dans ce cas précis ? L’enquêteur pense-t-il simplement à son salaire, ou n’agit-il que pour apaiser sa soif de justice ?

Comment l’enquêteur approche-t-il les témoins et pourquoi ? A-t-il une dent contre les riches, les beaux, les mariés ? Exerce-t-il une flatterie obséquieuse auprès des personnes couronnées de succès ?

Si oui, pourquoi ?

Si l’enquêteur est un officier de police qui tend à s’éloigner du droit chemin, pourquoi ? Pourquoi ses supérieurs autorisent-ils un tel comportement ?

Les détectives privés durs-à-cuire dépendent souvent autant de leurs muscles que de leur cerveau. Pourquoi ont-ils emprunté ce chemin ? (Pourquoi leurs victimes ne leur tirent-elles pas dans le dos par la suite ?)

L’enquêteur est-il surmené à cause de sa carrière ? Pourquoi ou pourquoi pas ? Pourquoi croient-ils toujours au système dans lequel ils agissent, quel qu’il soit ? S’ils ne croient pas en ce système, pourquoi continuer, machinalement ?

L’acolyte

Les enquêteurs sont souvent assistés par un acolyte, qui fournit tout, de la connaissance spécifique à l’intervalle comique. Pourquoi se mettent-il dans cette situation ?

Les témoins

Pourquoi chacun des témoins se présente-t-il ou non ? Pourquoi étaient-ils occupés à ce qu’ils faisaient, lorsqu’ils ont vu/entendu/senti quelque chose d’étrange ?

Pourquoi trahir le vivant plutôt que protéger le coupable, puisqu’on ne peut plus aider ceux qui sont déjà morts ? Pourquoi bafouer la mémoire de la victime ?

Pourquoi ne pas impliquer quelqu’un d’autre par rancune ? (Dans la réalité, les accusations doivent être corroborées, justement pour cette raison.)

Pourquoi s’impliquer lorsque cela pourrait être dangereux ou mener à témoigner au tribunal ?

Au tribunal, pourquoi prêter serment pousse-t-il les gens à dire la vérité ?

Les experts

Les enquêteurs comptent souvent sur les informations glanées par des experts extérieurs ou sur les simples officiers de bureau qui ont accès à des informations sensibles. Pourquoi ces personnes prennent-elles le temps (et souvent le risque d’une sanction disciplinaire) d’offrir leur aide ?

En premier lieu, pourquoi ont-elles choisi leur carrière actuelle ?

Les suspects

Comment la conscience d’un soupçon planant au-dessus de leur tête affecte-t-elle les différents suspects ? Comment cela influe-t-il sur ce qu’ils disent, leur façon d’agir, et à qui ils se confient ?

S’ils peuvent prouver leur innocence, pourquoi ne le font-ils pas ? S’ils ont le plus petit soupçon sur un autre, pourquoi se hâtent-ils d’éloigner les projecteurs, ou pourquoi ne le font-ils pas ?

Pourquoi réagissent-ils, quelle qu’en soit la façon, à l’accusation et à la possibilité très réelle qu’ils pourraient être accusés à tort d’un crime qu’ils n’ont pas commis ?

Autres personnages variés

Dans une histoire policière, tous les personnages n’incarnent pas une force pour le bien ou le mal. Nombre d’entre eux sont simplement des personnages mineurs, tels que le personnel d’un restaurant, les conducteurs de taxi et les directeurs d’hôtels. Ce sont les joueurs qui font que le monde mis en œuvre continue de tourner.

Certains écrivains préfèrent ne pas développer trop richement ces personnages de peur qu’ils ne volent la vedette ou ne soient accusés de ne pas faire honneur à l’histoire en agissant de manière importante et en ne réapparaissant jamais.

Si vous décidez effectivement de colorer vos personnages accessoires, concentrez-vous sur leurs désirs plutôt que sur l’habituel défaut, tic ou accent qui tente souvent de remplacer leur caractère réel.

Laissez de côté les études de cas

J’espère que ces questions vous aideront à vous concentrer sur les motivations des personnages et à les aiguiser. Si les animaux obéissent à des instincts biologiques, les êtres humains obéissent à des besoins et des désirs, et vous pouvez utiliser cet état de fait pour améliorer votre intrigue en créant des personnages qui vivent et respirent.

Toutefois, lorsque que vous avez compris vos personnages, vous n’avez pas besoin d’inclure leur profil psychologique pour justifier leurs choix. Savoir simplement la raison pour laquelle vos personnages font ce qu’ils font vous permettra de choisir les mots pour faire partager cette connaissance au lecteur.

Pour plus d’informations

Foncez à votre librairie habituelle et cherchez des manuels de psychologie et de sociologie. Si possible, assistez à un cours à l’université ou inscrivez-vous à un cours du soir, sur l’un ou l’autre de ces sujets. De tous les devoirs que j’ai effectués, rien n’a été plus précieux à mon écriture qu’un cours du soir d’Introduction à la Psychologie.

Si l’idée d’ouvrir un manuel vous hérisse, vous pourriez avoir envie d’essayer The Writer’s Guide to Character Traits : Includes Profiles of Human Behaviors and Personality Types, de Linda N. Edelstein.

Stephen D. Rogers a publié des histoires policières dans des magazines allant de Plots With Guns àWoman’s World, dans de multiples anthologies, ainsi que plusieurs marchés non-policiers. Il est diplômé de la Citizen Police Academy du département de police de Framingham, et membre de Mystery Writers of America, Private Eye Writers of America, et Short Mystery Fiction Society. Son site (http://www.stephendrogers.com) comprend une petite rubrique "Comment faire..." qui change tous les mois.

Cet article a d’abord été publié en anglais sur Writing-World.com - http://www.writing-world.com/.

Répondre à cet article