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Combattre la procrastination - Libérer du temps pour écrire

Par Lee Masterson

jeudi 1er février 2007.

Traduction par Freyja


  • "J’ai trop de choses à faire pour écrire aujourd’hui."
  • "J’écrirai plus tard."
  • "Je finirai par trouver le temps de terminer mon roman."

Des milliers d’écrivains partagent la même lamentation. Et ils ont raison - il y a beaucoup à faire dans la vie. Nous n’avons jamais assez de temps pour tout. Mais si vous désirez véritablement réussir dans l’écriture, vous trouverez le temps.

Un de mes proches amis travaille sur le même roman depuis treize ans. Je crois qu’il ne le finira jamais. Il est bien trop occupé.

Trouver du temps pour écrire pose un problème majeur à tant d’écrivains - aussi bien les amateurs que les pros - que j’ai pensé qu’il fallait explorer davantage la question.

En tant que membre de nombreux cercles d’écriture, j’entends tant de personnes déclarer "Je n’ai pas assez de temps pour écrire". Ce que je crois, c’est que certaines d’entre elles veulent plutôt dire "Je n’ai pas de moment assez long qui me permette de m’asseoir et de tout laisser sortir d’un seul coup".

Il fut un temps où ceci était aussi un obstacle pour moi. Je travaillais quinze heures par jour, revenais à la maison pour vérifier mes emails et mettre à jour le site Fiction Factor, et tous les aspects de la vie familiale étaient à ma charge. Ma vie ne m’accordait presque aucun instant pour faire ce que j’aimais le plus - écrire !

J’ai fini par me rendre compte que je n’avais pas besoin d’un jour entier de liberté ou d’une semaine complète simplement pour extraire ces idées de ma tête et les coucher sur papier (ou les taper sur ordinateur - selon le cas). Un moment de libre pendant ma pause-déjeuner était tout ce dont j’avais besoin pour écrire une formidable scène de combat. Parler dans un dictaphone en rentrant du travail me faisait gagner un temps précieux pour terminer une nouvelle. Me lever une heure plus tôt pendant une semaine (Oooh, comme je pouvais détester cela !), me permettait de délivrer mon personnage d’une situation délicate. Un "non" poli à une invitation à dîner me donnait du temps pour réviser la version finale d’un roman.

Nous disposons tous de tant de moments perdus pendant la journée, dont nous pourrions tirer un meilleur parti en les consacrant à l’écriture. Malheureusement, ceux d’entre nous qui les utilisent correctement sont peu nombreux. La télévision, Internet, les emails, les amis et la famille, le travail, les corvées, les activités sociales - tant de choses qui nous poussent à mettre notre Muse de côté et nous éloignent de cette corvée qu’est l’écriture.

Toutefois, beaucoup d’écrivains dans le monde utilisent ce temps libre à leur avantage.

Voici quelques conseils qui pourront vous aider à dégager plus de temps pour écrire pendant la journée.

Multitâche

Apprenez à faire plus d’une chose de votre précieux temps. Planifiez et résolvez vos problèmes au moment où vous accomplissez des corvées qui ne requièrent pas le concours de votre créativité.

Faire la vaisselle, prendre une douche, sortir le chien, bêcher le jardin, prendre le bus - toutes ces activités et d’autres encore pourraient devenir de précieux moments de "planification". Régler tout l’aspect difficile avant même de commencer rend le processus d’écriture plus efficace.

Angie Ledbetter de Writer’s Gumbo écrit : "Écrivez quand vous êtes dans les gradins. J’ai fait du bon boulot alors que j’étais coincée aux matches, aux entraînements et aux auditions de mes enfants. Le covoiturage ainsi que les rendez-vous chez le médecin/dentiste constituent aussi des occasions d’écrire. Parcourir ces vieux magazines tandis que vous êtes retenu peut vous donner de bonnes idées d’articles, de nouveaux marchés et un peu de temps pour étudier la publication pour de futurs envois."

Alice Wisler de Daniel’s House Publications écrit : "Organisez votre façon de penser de manière à ce que lorsque vous irez au nettoyage à sec (je ne m’en sers pas personnellement, mais c’est un bon exemple), vous penserez également à acheter des timbres au bureau de poste et à rapporter les vidéos que vous avez louées. Faites en une seule sortie ce que vous auriez fait en trois fois, à trois moments différents."

Peg Russell écrit : "Les meilleures amies d’un écrivain sont ces trois ou quatre heures durant lesquelles il reste assis derrière un bureau, à côté d’un téléphone qui ne sonne pas. Le mercredi après-midi je suis volontaire pour l’ilôtage [1], où rien n’arrive ni personne n’appelle, et je peux réviser, écrire et critiquer pendant trois heures. Dans notre hôpital, la réception de l’étage ’coeur ouvert’ offre les mêmes longues plages d’inactivité".

Distractions

La distraction est l’ennemi le plus nuisible à la créativité. La sonnerie d’un téléphone peut amener une Muse à se cacher durant des heures. Un programme de travail chargé peut tuer la créativité. L’attrait de la télévision peut pousser n’importe quel écrivain à paresser sur le sofa pendant des heures. Des enfants qui crient peuvent taper sur les nerfs les plus tolérants (j’ai vu notre merveilleuse éditrice en chef, Tina, tenter d’écrire dans ces circonstances - rien de bon !).

Quand vous écrivez, efforcez-vous de barrer la route aux distractions. Décrochez le téléphone. Fermez votre logiciel de messagerie. Écrivez quand le monde autour de vous est le moins enclin à vous déranger. Si cela vous est impossible, alors choisissez un endroit où la distraction n’a pas sa place. Une bibliothèque est l’endroit parfait pour cela. Un parc ou une réserve tranquille peuvent inspirer de merveilleux scénarii. Personnellement, j’écris avec mes écouteurs sur les oreilles et le volume élevé. Les seules choses qui se trouvent dans mon monde lorsque j’écris sont la musique d’ambiance et mon écran/carnet.

Lilia Westmore suggère : "Trouvez du temps pour écrire entre 22h (quand les enfants sont au lit, quand votre mari/femme est parti(e) se coucher, quand les tâches ménagères sont mises au repos, quand la paix a installé ses quartiers dans le foyer !) et 3h du matin. À cet instant, votre esprit est libre de tous les problèmes qui font obstacle à vos instincts artistiques. L’aube est favorable à la pensée profonde et la tranquillité qui entoure l’univers vous rend plus dispos pour écrire. Le silence permet aussi à la pureté des émotions de s’exprimer, ce qui est un intérêt supplémentaire pour la création, que ce soit de fiction ou de poésie. Veiller tard chaque jour est un défi que vous devez relever afin de rester en bonne forme physique !"

Alice Wisler suggère : "Éteignez la télévision. De toute façon, y a-t-il réellement quoi que ce soit de bon qui passe ? (À moins que vous ne soyez vous-même interviewé à propos de votre dernier livre). Apprenez à dire non. Vous devez faire de l’écriture une priorité. Aussi passionnant que vous soyez, vous n’êtes pas forcé d’aller à chaque réunion Tupperware."

Angie Ledbetter suggère : "Négociez quelques heures de baby-sitting avec un ami. Deux heures de silence valent bien une semaine de temps passé à écrire au petit bonheur la chance."

Procrastination

Regardons les choses en face - écrire est une corvée ! Il n’y a rien de pire pour moi que de passer une journée à récurer les toilettes ou la cabine de douche. Et pourtant, confrontée à un choix entre écrire une scène particulièrement difficile ou nettoyer, j’avais l’habitude d’aller chercher des gants et le détergent en premier. Ma plus grande peur était que si je m’asseyais pour écrire, je devrais m’arrêter avant d’avoir fini. Alors je ne commençais jamais.

Beaucoup d’écrivains repoussent le moment d’écrire, attendent le "moment parfait" ou - pire - attendent d’avoir SUFFISAMMENT de temps. De nombreux écrivains se figurent qu’il faudrait rédiger un roman, du début à la fin, en l’espace de deux semaines d’écriture effrénée.

En vérité, la plupart des auteurs écrivent ce qui les inspire dans l’ordre qui leur paraît nécessaire, quel qu’il soit, à n’importe quel moment.

Angie Ledbetter suggère : "Je me rends compte que si je ne trouve pas le temps pour écrire/lire/travailler, je m’invente des excuses et j’atermoie. Tout est dans la façon de voir les choses ! Je laisse les moutons de poussière se développer dans la maison afin d’avoir un peu plus de temps pour écrire."

Gestion du temps

Bien que ce conseil soit répertorié dans tous les guides de l’écrivain, il est le moins APPLIQUÉ par les auteurs.

Combien d’entre vous ont une plage de temps réservée à l’écriture ? Plus important encore, combien utilisent réellement ce temps adjugé à l’écriture pour ÉCRIRE ? Il est affreusement tentant de vérifier ses emails.

Mettez de côté du temps consacré à l’écriture. Ne laissez rien à part un cas de force majeure interrompre ce moment. Ne l’utilisez pas pour réfléchir, planifier ou construire l’intrigue. Écrivez.

Jenny Mounfield de Reject Writers a une idée pour ces parents-écrivains, usés par leurs enfants : "Je ne suis pas encore désespérée à ce point mais en tant que mère de trois enfants, j’y songe sérieusement. Un excellent moyen d’obtenir plus de temps libre pour écrire : commettre un crime raisonnablement sérieux, quelque chose qui vous conduira, disons un an ou deux derrière les barreaux - de préférence seul dans une cellule."

Hmmm ... Peut-être devriez-vous vous en tenir aux moments perdus dont vous disposez.

Opportunité

Tant d’auteurs manquent les occasions d’écrire qui se présentent à eux parce qu’ils n’y sont pas préparés.

Alice Wisler écrit : Ayez toujours sur vous un stylo et un carnet pour prendre en note les traits de caractère et les descriptions de vos personnages. Vous ne savez jamais quand un morceau de dialogue fantastique vous tombera dessus alors que vous êtes coincé dans les bouchons."

Imogene Grantom écrit : "Je passe mon temps avec un café devant mon ordinateur à taper les messages enregistrés et les petites notes que j’ai prises durant la journée précédente. J’emporte toujours avec moi un magnétophone et un petit carnet pour écrire. Tout au long de la journée, quand une pensée concernant mon roman me vient à l’esprit, je l’enregistre ou je l’écris, selon l’endroit où je me trouve. Le matin, assise devant mon ordinateur, mon café à la main, je les enregistre dans un programme nommé Writer’s Block. C’est un bon logiciel, si vous ne le possédez pas je vous le recommande chaudement. Je consacre une heure chaque soir à organiser mes blocs en un chapitre. Puis pendant mon jour de congé, je crée un chapitre, sans l’éditer, et je l’ajoute également à mon roman. Je parviens ainsi à créer un chapitre par semaine. Pour quelqu’un d’aussi débordé que moi c’est un accomplissement extraordinaire."

Angie Ledbetter écrit : " Ne vous faites jamais prendre sans un ensemble carnet/stylo. J’en ai un dans mon fourgon, dans mon sac à main, à côté de la baignoire et partout dans la maison. Les parents-écrivains au temps grignoté ont besoin d’écrire leurs pépites sur le champ, avant qu’elles (les idées) ne prennent leurs jambes à leur cou. Des dictaphones à commande vocale sont également disponibles pour 50$, et sont aussi très bien pour des entretiens sous l’impulsion du moment."

Vous n’entendrez presque jamais un écrivain dire "J’aimerais n’avoir jamais écrit ce livre". Cependant, vous entendez peut-être souvent des écrivains déplorer "J’aimerais avoir pris le temps quand j’en avais l’occasion".

Laquelle de ces phrases préféreriez-vous dire dans quelques années ?

Lee Masterson est une écrivain en freelance d’Australie méridionale. Elle est aussi l’éditrice de Fiction Factor (http://www.fictionfactor.com) - un magazine en ligne pour les écrivains, qui offre des astuces et des conseils sur la manière de se faire publier, des articles pour améliorer vos compétences en écriture, des tas de ressources pour écrivains et bien plus encore. Jetez un oeil au dernier livre de Lee, "Write, Create & Promote a Best-Seller" (en anglais) ici et démarrez votre carrière d’écrivain.

Cet article a d’abord été publié en anglais sur FictionFactor - http://www.fictionfactor.com/.

Notes

[1] NdT : Division des agglomérations en secteurs, placés sous la surveillance d’un policier.

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7 Messages de forum

  • D’accord avec pas mal de choses dans tout cela. Récemment, une amie postait sur mon blog que tant qu’elle aurait besoin d’un travail pour vivre, elle ne voyait pas quand elle pourrait écrire... mais àce moment-là, autant dire qu’on peut reposer sa plume jusqu’àce qu’on atteigne l’âge de la retraite, en croisant les doigts pour ne pas mourir heurté par un camion entre temps. Ce serait bête de ne jamais avoir l’occasion d’écrire avant la fin.

    Je conçois évidemment que se bloquer, par exemple, "seulement" une heure par jour peut sembler facile àcertains, et beaucoup plus dur àd’autres. Certains jours, je me retrouve avec des devoirs àfinir à23h, et je n’ai toujours rien écrit... Mais même 15 minutes, c’est déjàmieux que rien ! Il faut voir les choses d’une façon plus positive que "si je ne fais pas tout plein d’un coup, ça ne vaut rien, autant ne pas s’y mettre".

    Tiens, si je n’avais pas pris ces trois minutes pour taper ce message, j’aurais pu ajouter deux lignes àmon roman. ;)

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    • J’approuve le bloc surtout dans la voiture. Je le bénis àchaque embouteillage : il m’arrive de "débloquer" des scènes comme ça, notamment.... parce que je n’ai aucune distraction possible ! (ben oui quand rien n’avance) J’ai rajouté simplement un paquet de gâteau avec le bloc : avoir faim empêche d’écrire.

      Depuis que je travaille avec de lourds horaires, j’ai fini par me rendre compte, qu’il y avait plein de petits moments de dix minutes ou plus (la pause déjeuner par exemple) où je peux écrire. Que ce soit me creuser la tête pour un scénario, ou quelques phrases d’un dialogue qui émerge, tout est bon àprendre. Mine de rien, on avance, lentement mais sà»rement dans l’écriture de nos textes comme ça.

      J’ajouterai qu’il est préférable de "grouper" les corvées ménagères (et de les faire moins souvent, si si) pour dégager encore du temps pour écrire.

      Encore un très bon article, en somme ! Merci pour la traduction !

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      • Je dois dire que j’essaie de grapiller chaque moment pour écrire, mais ce n’est pas toujours facile.
        - pendant le trajet rituel et chiant pour aller au boulot, je réféchis aux prochaines scènes àécrire
        - au boulot, quand j’ai quelques minutes, je fais ce que je fais généralement chez moi, àsavoir regarder un peu les forums, les mails, tout ça (pas moyen d’écrire avec le téléphone qui sonne tout le temps)
        - pendant la pause de 2h, je m’enferme dans un coin et j’écris... quand je ne suis pas trop crevée (parce que le désavantage d’avoir un matelas et une couverture dans la salle de pause, c’est que la session écriture se transforme souvent en session siest)
        - le soir, àpartir de 22h30, je suis assez productive.

        Quand je commençais à10h, je me levais à7h30, pour pouvoir écrire de 8h à9h30. Mais maintenant, je commence à9h, donc pas moyen de me lever à6h30 ^^ Un boulot àplein temps, c’est vraiment l’horreur pour écrire. Mais j’essaie de concentrer les moments d’"écriture" et de faire du bon boulot, pour réduire la phase de correction. De toute manière, je m’en fous, je vais épouser un homme riche, je pondrai un gosse, je le foutrai dans sa chambre toute la journée et j’écrirai en écoutant de la musique super fort pour ne pas entendre ses cris d’agonie. (je plaisante, évidemment... n’empêche, j’aimerais bien travailler moins, parce que 12h par jour, c’est épuisant).

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  • Je n’ai pas trouvé sur le site Writer’s block le logiciel évoqué dans l’article par Imogene. Quelqu’un pourrait-il m’aider ?

    Laurent

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