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Ne cherchez pas àréussir du premier coup

Par Caro Clarke

mardi 15 mai 2007.

Traduction par Leippya


À quel stade de votre roman en êtes-vous ? Recommencez-vous constamment sans jamais le terminer ? Avez-vous une demi-douzaine de projets dans vos tiroirs ou sur votre disque dur, tous abandonnés ? Vous demandez-vous si vous rejoindrez jamais la mer des écrivains publiés ? Eh bien, arrêtez d’hésiter sur le bord du plongeoir et lancez-vous !

Les débutants ont tendance à vouloir, en fait ils s’attendent, à réussir du premier coup. Ils pensent qu’un véritable écrivain est censé produire une prose parfaite dès le mot "partez." Ils lisent leurs propres premières pages pathétiques, et abandonnent ou bien commencent frénétiquement la réécriture. Le premier cas, l’abandon, revient à jeter le modèle en argile parce qu’il ne ressemble pas au David de Michel-Ange ; le second revient à peindre les murs de la maison alors qu’ils sont encore en train d’être construits.

Vous devez d’abord écrire l’histoire avant d’avoir l’autorisation d’être découragé ou de paniquer. Il vous faut d’abord l’écrire, en entier. Alors faites-le. Plongez, écrivez à un train d’enfer, galopez de la page une à "Fin" sans réviser, prendre de pause, ou reconsidérer. Laissez-vous captiver par votre histoire. Si vous écrivez avec papier et stylo, achetez un cahier cousu de façon à ne pas pouvoir arracher de page. Si vous écrivez sur écran, scotchez une note qui dit "Revenir sur le passé provoque la gangrène." Et écrivez.

Écrivez assidûment, écrivez vite. Prenez votre idée, malmenez-la pour qu’elle devienne une intrigue (ne pensez même pas à commencer un roman sans avoir une ligne directrice, un synopsis ou quelque chose d’approchant, vous n’êtes pas censé être aussi imprudent !) et soyez aussi enthousiaste pour cette histoire que vous voulez que vos lecteurs le soient. Ne vous sentez pas contraint de faire du remplissage. Ne vous souciez pas de la longueur. Écrivez seulement les scènes qui sont absolument nécessaires. Ne vous tracassez pas à chercher les transitions pour les relier. Inscrivez seulement "Le jour suivant..." ou "Un an plus tard..." ou même "Pendant ce temps, au ranch..." Bien sûr, ce sont des platitudes. C’est à cela que sert la réécriture. Votre premier jet sert à raconter l’histoire. Laissez vos personnages se former, laissez l’histoire se dévoiler d’elle-même. Votre personnage campagnard commence par parler comme un diplômé universitaire et vous ne trouvez sa voix réelle qu’après 30 000 mots, et alors ? C’est ce à quoi sert la réécriture ! Vous vous rendez compte que vous auriez dû introduire des indices en prévision d’un événement gigantesque autour du 50 000ème mot, et alors ? Devinez quoi ! C’est ce à quoi sert la réécriture. Gribouillez une note dans la marge et continuez d’écrire.

Quid de tous ces manuels d’écriture qui conseillent de lire et corriger ce que vous avez écrit la veille avant d’ajouter de nouveaux mots aujourd’hui ? Eh bien, cela n’a pas vraiment fonctionné pour vous, non ? Il existe nombre de façons d’écrire un roman, et si une méthode ne vous amène pas jusqu’au mot "Fin" alors vous devez en essayer une autre. La seule chose que vous ne pouvez pas faire est de vous lancer sans avoir une petite idée de la direction que vous voulez prendre. Mais ne vous permettez pas d’atermoyer parce que vous n’avez pas de synopsis détaillé. Je connais quelqu’un qui rêve de devenir écrivain, et qui a passé tant de temps à construire et réviser le plan de son intrigue qu’il n’a en fait jamais écrit le roman. Si vous brûlez d’écrire parce que vous avez une scène d’ouverture brillante, demandez-vous "Que se passe-t-il après cette scène ?" puis "Où ces personnages vont-ils tous se retrouver ?" Prenez note des actions logiques qui vous mèneront de votre première à votre seconde question et vous aurez assez de votre synopsis pour commencer à écrire. Punaisez-le à un endroit visible et entamez l’écriture.

En écrivant du début à la fin sans pause, vous découvrirez plusieurs choses. En premier lieu, vous vous rendrez compte que vous avez le rythme, et la discipline qui arrive toujours quand on use le fond de son pantalon sur sa chaise pendant des semaines et des mois. C’est sur le long terme que les véritables écrivains se forment, et vous n’êtes pas un véritable écrivain tant que vous n’avez pas passé le baptême du travail prolongé.

Deuxièmement, votre cerveau va commencer à faire des associations incroyables. Vous verrez où placer des intrigues parallèles, vous découvrirez de l’imagerie et des motifs prendre naissance dans la structure comme par magie, et vos personnages commenceront à acquérir des personnalités réelles et surprenantes.

Troisièmement, vous vous surprendrez à devenir plus confiant sur la manière de dire ce que vous voulez dire, et le juste mot vous viendra avec plus d’aisance.

Enfin, vous découvrirez (si vous êtes un vrai écrivain) que vous aimez ça. Vous aimez vraiment écrire. Tous les chichis, les atermoiements et l’inquiétude de ne pas produire une prose parfaite du premier coup vont s’effacer. Vous saurez enfin ce que vous aviez toujours soupçonné : que vous êtes né pour écrire.

Caro Clarke est une Canadienne vivant àprésent en Angleterre. Elle provient du milieu académique, mais a rejoint le monde réel pour travailler dans l’édition àLondres. Elle a appris àcréer des sites Internet en cherchant àpromouvoir son premier roman, “The Wolf Ticket”, ce qui l’a menée àune nouvelle carrière dans le design web et le développement. En plus de son roman, plusieurs de ses nouvelles ont été publiées dans des anthologies. Elle est aussi une poète publiée. Elle aime voyager et acheter des livres, et il lui arrive de se déplacer juste pour en acheter. Elle vit dans le centre de Londres avec sa partenaire. Et ses livres.

Cet article a d’abord été publié en anglais sur le site de Caro Clarke - http://www.caroclarke.com.

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